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CHINE
 

     
 

Zhangjiakou, kilomètre 1200, la ville dans son expansion a déchiré le mur, englobé et digéré; On en repère quelques traces ça et là et on se rend vite compte que la portion touristique n'a pas été construite au bon emplacement, quelques mètres séparent la néo-muraille, élevée au début du siècle, de celle originelle dont on aperçoit quelques traces entre des maisons ouvrières, toujours ce même sentiment de haine pour ceux qui ont détruit ce mur pour y dresser des garages ou des hangars comme si elle s'était emparée de moi, comme si elle dictait mes émotions, comme si un mur qui ne peut se plaindre et pleurer cherchait quelqu'un pour ressentir et souffrir à sa place, le mimétisme est profond, ma douleur est vraie mais est ce que j'ai le droit alors que je ne suis même pas de ce pays d'éprouver de tels sentiments, alors que mes ancêtres n'ont pas bâti ce mur et qu'ils commis tellement d'atrocités
dans ce pays lors du siècle dernier? Mais qui pourrait me dénier ce droit de pleurer pour quelques pierres éparpillées, si personne ne le fait, qui préservera ce monument classé patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1987?



Sur ma route vers Pékin, je croise des camions de militaires, ils sont présents en force ici et je comprends rapidement que les fêtes du cinquantenaire y sont pour quelque chose, j'ai droit, moi aussi, un soir à un contrôle, mon premier depuis mon départ :
j'ai choisi cette nuit là de dormir dans une gare, c'est encore l'endroit des villes où l'on se sent le plus en sécurité, enfin je
crois, mais il n'est maintenant plus possible pour moi de dormir en pleine nature, il y a trop de gens partout et dormir dehors est "strictly forbidden" comme me l'ont indiqué certains, il serait trop bête que je me fasse piquer à dormir dehors à quelques centaines de kilomètres de mon but. Alors que je m'apprête à fermer les yeux pour quelques heures sur des fauteuils de gare encombrés, contrôle de police, l'atmosphère est lourde, même si les militaires ne possèdent plus tous les pouvoirs sur le papier depuis l’avènement du cinquième principe : celui de la démocratie, ils n'en restent pas moins les maîtres d'un certain ordre
voire d'un certain autoritarisme et la tension qui règne lors de ce contrôle n'est pas feinte. Vient mon tour, le ton est sec : "hello, passport", j'obtempère mais manifestement mon passeport ne leur sert à rien puisque la question d'après est "american?", le ton n'est pas sympathique et si dans certains pays il est de bon ton d'être touriste américain, ici manifestement ils ne sont pas les bienvenus, "no, fagua (français)" instantanément le militaire m'arrache mon carnet de route que j'étais en train de rédiger et me montre un J majuscule qu'il a pris pour un I anglais, ils ont de sacrés yeux les bougres!! Je me sauve de ce mauvais
pas en montrant le drapeau qui orne mon sac à dos d'un bleu blanc rouge un peu sale mais qui fait encore illusion, pour un peu je me lèverai pour chanter la Marseillaise comme aux belles heures de la Coupe du Monde de football, mais mon drapeau semble suffire et la confusion du militaire qui a fait une erreur me sauve d'un examen plus fouillé de mes bagages et de la découverte de mon vélo dans mon sac.

J'entre dans Pékin quelques jours plus tard, et le choc est rude, autoroutes, périphériques, voitures par milliers, téléphones portables,
cravates et business men, l'autre Chine est là devant mes yeux, la Grande Muraille l'évite par le nord mais j'ai choisi de prendre Pékin comme base pour en explorer ses tronçons les mieux conservés qui constituaient les protections ultimes de Pékin, capitale du nord (bei : nord, jing : capitale).



Le lendemain, ride sur la portion de Badaling, celles des photos souvenirs et des cars de touristes mais je me devais aussi de la
parcourir qui plus est en vélo, pour que mon voyage soit complet, je pensais être déçu par trop de facilités et voici qu'au contraire
d'autres difficultés surgissent, il faut être malin pour que mon vélo échappe à l'attention des gardiens des portes d’accès aux chemins
crénelés (essayez donc chez nous d'entrer à Versailles, votre vélo caché sous votre manteau, vous verrez comme c'est simple) et pourtant ça passe et me voici slalomant au milieu des touristes en majorité américains, après les Chinois, promulgué au rang de star de quelques minutes devant des objectifs étonnés. Ce sera le jeu des jours qui suivent, échapper à la vigilance de quelques gardiens, lorsque je me fais prendre, négocier, jamais de bakchich mais toujours raconter mon histoire et compter sur le respect
de ces gens pour mon désir de ne faire plus qu'un avec ce monument dans son entier et c'est toujours ce qui fait que j'ai pu passer partout : Badaling, Sumatai (certainement un des endroits les plus beaux et les plus sauvages),... mais on se lasse vite de ce jeu et je retrouve l'envie de partir plus loin vers l'est, comme si la Grande Muraille ne me pardonnait pas mes infidélités nocturnes où je me réfugie en ville pour y dormir.

Les derniers kilomètres jusqu'à la mer ne m'épargneront rien, les jambes me font souffrir comme pour me signifier que ce seront leurs derniers kilomètres avec moi et qu'il ne faudra pas compter sur elles si la muraille continue dans la mer, je les rassure, je me rassure, en leur disant tous les kilomètres que le bout du chemin est pour bientôt. Laolongtou, là où "la tête du dragon" se jette dans la mer de Bohai, le terme du voyage, il me faut encore convaincre le chef des gardes d'y laisser pénétrer mon vélo, chose pas facile, mais quelques photos de mon voyage suffisent à le convaincre et c'est avec lui que je rejoins le bout de la Muraille, il me laisse seul à quelques mètres de la jeté et en fait partir les touristes qui s'y trouvent. Je reste debout un peu perdu, le terme de mon voyage c'est là, un simple mur me sépare de l'eau, l'enjamber ne me servirait à rien, après, c'est l'eau qui s'étale à perte de vue, je m'assieds et je commence à pleurer d'abord doucement comme un enfant, puis plus violemment comme un homme, si les premières minutes de cette fin de voyage ont été vécues en égoïste, les dernières sont pour tous ceux qui m'ont témoigné leur amour au cours de ces derniers mois, et j'ai le sentiment que penser à eux m'éloigne d'elle, celle qui a partagé mes nuits pendant deux ans et mes journées depuis plus d'un mois, La Grande Muraille. Il me faut partir sans regret pour raconter à tous ceux que j'aime ce que j'ai vécu, ce que j'ai appris et surtout raconter à mon fils Valérian, et au petit Colin qui arrivera en janvier que les nuits sont faites pour rêver et que les jours sont faits pour réaliser ses rêves..........



LA GRANDE MURAILLE : selon les ouvrages elle pourrait mesurer de 5000 à 20 000 kilomètres. Toujours selon des sources bien informées, elle pourrait être le seul monument construit par la main de l'homme, visible de l'espace. Selon certaines thèses, on la connaît comme limite de l'empire chinois, à simple vocation politique, mais aussi comme structure défensive, monument dédié à la guerre; La Grande Muraille que j'ai rencontrée est bien plus que toutes ces hypothétiques certitudes, elle est un monument vivant, parfois à protéger de toutes nos forces physiques et politiques : son classement au patrimoine mondial en est le reflet; Mais aussi servant à protéger les Chinois eux-mêmes contre l'oubli de leur passé et de leurs cultures ancestrales.

"L'HOMME SE DECOUVRE QUAND IL SE MESURE AVEC L'OBSTACLE, MAIS POUR CELA IL LUI FAUT UN OUTIL."
Antoine de Saint-Exupéry. Mon outil est un VTT de type free-ride, le Dual de chez Sunn, préparé avec amour par l'équipe de Sunn-Pithioud Lyon. Je remercie son boss de l'époque Christian Crozet, l'ami des débranchés du cerveau. Mes chaussures Carnac de type UCS6 m'ont donné plus que satisfaction tout au long des 1999 kilomètres et mon blouson Glacier de chez Chapak continue à me tenir chaud surtout en cet hiver; la housse de mon vélo, du même fournisseur m'a plus d'une fois servi d'abri pour la nuit et c'est une de ses applications à laquelle je pense ces concepteurs pas pensé : on y dort très bien!! , et les Laboratoires Schering-Plough m'ont permis de réaliser financièrement mon rêve mais plus que ça, je les remercie de m'avoir fait confiance tout simplement, amicalement à tous .........Eric.



Pour plus d'informations:

Eric Garcia