LE RAID
 


     
 

Un Raid chez nos cousins:

 

Cette année (fin Août), nous avons fêté le 10ième anniversaire du Raid Pierre Harvey dans le parc des Laurentides au Nord de la ville de Québec, Canada. Un départ de la ville de Chicoutimi, Capitale du nord et une arrivée à la station de ski Le Relais Lac Beauport, située à 30 km de Québec, soit un bon 3 jours plus tard et un 300 km plus loin à travers l’immensité de la forêt québécoise. Un parcours qui se fait en moyenne de 4h00 par jour pour les meilleurs, 5h30 pour la masse, 7h00 pour les derniers. Ce raid qu’on appelle aussi le Grand Raid compte 500 participants et sa réputation permet d’amener 500 autres participants pour le Petit Raid de 35 km qui se fait le dernier jour. Le Grand Raid s’effectue en mode ‘aventurier’, c’est à dire qu’il faut monter sa tente pour dormir en dessous et manger ses propres ‘cossins’ (sa nourriture) mais le transport des bagages est organisé par le Raid d’une étape à l’autre, ou bien, en mode ‘Performance’, c’est à dire que la personne est chouchoutée du début à la fin puisqu’on la transporte dans un dortoir ou un hôtel, qu’on lui fait à manger, qu’on la met au lit; par contre, mauvaise pioche pour les ronfleurs !!!!

Mais qu’est ce que le raid Pierre Harvey sur la terre de nos cousins ??

Tout d’abord, ce raid porte le nom de son Père fondateur M. Pierre Harvey, sportif aguerris de la région de Québec autant dans le domaine du ski de fond que du vélo de montagne. Ce dernier a déjà gagné 3 épreuves de coupe du monde à ski de fond. Le papa du raid ne manque jamais de participer à son événement puisqu’il est encore en âge respectable de courir (ou plutôt de rouler). Et bien souvent les participants ne voient sa face que sur le podium d’arrivée puisqu’il se classe toujours dans les 3 premiers de sa catégorie et dans les 10 premiers au classement général. Un bonhomme qui n’en n’a pas l’air (à cause de ses petites cuisses et de ses petits mollets) mais un bonhomme hors du commun avec un gros coeur qui tourne à 40 battements/minute.un ‘Beau bonhomme’ comme ils disent ici.

Mais revenons au raid en lui-même :

Physiquement, ce raid demande beaucoup d’endurance surtout les 2 premiers jours qui sont consacrés à des chemins de bois, assez larges et très roulants permettant le passage de motoneiges l’hiver et de 4 roues l’été (‘scouters des neiges’ et ‘quads’ en bon français de France). Souvent, les routiers font d’excellents temps les 2 premiers jours puisque la moyenne peut aller jusqu’à 25-30 km /h. Bien sûr, les difficultés sont présentes puisqu’il faut cumuler 1 600 m de dénivelé par jour mais sur une moyenne de 105 km par jour, ce qui est relativement faisable. La partie la plus difficile arrive le 3ième jour avec un 85 km à travers le bois et surtout la ‘bouette’ (la boue en français) !! Et oui, contrairement aux chemins secs que l’on peut retrouver dans les Alpes ou le sud de la France, la véritable forêt de nos cousins est terriblement humide et très dense, ce qui signifie que les bains de bouette, les piqûres de maringouins (gros moustiques méchants du Québec) ou de brûlots (mouches à chevreuils) sont constamment au rendez-vous. Il faut donc faire avec et marcher parfois, le vélo sur l’épaule ou à bout de bras, en enfonçant chacun de nos pas dans la ‘swomp’ (une potion noire, visqueuse et puante) tout en fermant la bouche pour ne pas avaler ces maudites bestioles. Malheureusement, vu leur nombres et leur voracité, on doit parfois les supporter et revenir avec des têtes ‘d’elephant-man’ ou ‘d’elephant-woman’. J’ai d’ailleurs cru remarquer qu’ils aimaient beaucoup le sang français, je ne saurais dire pourquoi d’ailleurs; un mélange de vin, de pain, de boursin...etc , peut être ?

Mentalement, par contre ce raid est vraiment un raid raide!! Dans l’immensité de la forêt québécoise, qu’il fasse beau temps ou mauvais temps, on a parfois l’impression de traverser un désert. Pendant des km et des km, d’immenses zones de coupes à blanc sillonnent la forêt et là il faut lutter contre le vent, essayer à tous prix de prendre la roue mais encore faut-il en trouver une. ‘Y a tu quelqu’un icit ?’ (Y a-t-il quelqu’un dans le coin ?). Et si on lève le nez, le bois s’étend alors à perte de vue et dans la partie éclaircie, on voit ses chums (ses camarades) au loin qui avancent comme des mouches sur une carte. Bientôt ce sera notre tour de faire la mouche mais de nouveau en haut de la montée, le spectacle recommence encore et encore, des mouches, des mouches, des mouches, du bois, du bois, du bois. Et malgré le nombre de mouches, on se sent seul, perdu au milieu de nul part. Ces 2 premiers jours sont terribles pour le moral et ce raid est alors le Raid qui forge le caractère!! Le Raid qui vous met à l'épreuve sans cesse et qui va vous chercher à l'intérieur!!! Une sorte de combat continu avec vous-même!! GRRRRR !!!

Le 3ième jour, lui, a 2 facettes : soit il devient un terrain de jeu pour les plus assoiffés de sensations, soit il devient LA Galère pour les moins techniques ou les plus malchanceux. Mais c’est enfin un vrai parcours de vélo de montagne où les montées et les descentes se succèdent. On y retrouve la forêt, le bois, la bouette, la swomp, des chemins techniques le long d’une rivière, parsemés de trous, de racines, de pierres, des chemins en graviers où l’attention doit être à son plus haut, des chemins d’asphalte (de goudron) où le retour à la civilisation fait un gros ‘boum’ dans le fond du coeur, bref, tout est là. Les paysages changent vite, la course va vite, il faut arriver. Et même si la fatigue s’est accumulée pendant 3 jours, le taux d’adrénaline est plus fort que jamais. C’est le jour de l’arrivée, donc on se doit d’arriver, bien évidemment et coûte que coûte!!

Mais je ne vous ai pas parlé des ennuis physiques ou mécaniques !!! Comme dans tout raid, chacun doit porter sa croix. Plusieurs abandonneront à cause de blessures suite à des chutes ou encore des maux qu’ils n’avaient jamais eu auparavant : un gros mal de foufounes (les fesses en québécois) ou de dos insupportable ou mieux, une grosse irritation entre les jambes, ‘aie !’ (‘outch !’en québécois), irritation qui monte à la tête et qui fait arrêter même le plus mordus de vélo de montagne. Encore une fois, le physique rejoint le moral, dirait-on.

Mais quand le physique est là, c’est parfois la machine qui ne suit pas. Et au Québec, je peux vous dire qu’elles souffrent les machines car les conditions du sous bois sont particulièrement déplorables dues à un fort taux d’humidité. Donc, même si les entraînements prédisaient une bonne forme physique, ils n'avaient pas prédis le destin de chacun. Non seulement, il faut passer l'épreuve physique du raid, mais en plus l’épreuve mécanique du vélo: l'un arrivera sans selle, ça fait mal !! l'autre sans chaîne, pas de dérive chaîne parce que trop lourd, peut être ? ou encore avec un truc bizarre dans le pneu, ô, une ‘tripe’ à l’air (chambre à air à l’air)!!! ou bien avec une seule pédale, l'autre ayant disparu miraculeusement dans la swomp (marécage) !!! ou enfin, ‘la cerise sur le sunday’ (la cerise sur le gâteau), celui ou celle qui arrivera sans freins, donc forcé(e) de courir dans toutes les descentes !!! etc.

Mais le plus beau dans tout cela, c'est que la plupart des coureurs arriveront à destination!!!

Et ça, grâce à qui ?

- grâce aux encouragements de chacun sur le parcours car on est tous dans la même galère, des ‘lâches pas mon homme/ma fille, c'est bientôt fini’, des ‘vas-y, tu tiens le bon bout’, des ‘bon courage!’, des ‘let's go’...

- grâce aux bénévoles, des gars, des filles qui applaudissent, la pluie dans la figure et qui répètent ‘c'est bon, allez!!’, des ambulanciers qui se plient en 4 et se mettent à 3 pour te soigner une petite blessure due à une chute idiote sur un billot de bois, des bras qui se tendent pour te récupérer en bas d'une pente parce que ta machine s'est emballée (ouf!), un gars en 4 roues qui te suit un bout pour vérifier que tout va bien et qui te demande ‘comment va ma ptite française ?’ et enfin Une bénévole, unique en son genre, qui te prend dans ses bras, dans lesquels tu peux pleurer un bon coup pour mieux repartir parce qu'elle t'ordonne de la retrouver au prochain ravitaillement.

Voilà donc pour l’ambiance qui règne dans ce Raid, une ambiance chaleureuse, une ambiance à la québécoise!

Ensuite, à toi de décider si tu ‘lâcheras’ ou tu ‘lâcheras pas’!! tu te donnes des excuses bidons ‘et si je faisais un tour de 4 roues pour rentrer, pourquoi pas, ce serait une belle expérience?’ Ou encore des excuses plus sensées ‘mais si je continue, je vais me péter la fiole (casser la margoulette), et rouler sans freins, c'est débile, trop jeune pour mourir!!’ Et puis, non, tout à coup tout devient claire et tu te reprends: ‘ça va pas la tête, qu'est ce qu'elle va penser la gang (bandes de copains) du club ? Tu serais la seule à ne pas finir ?’ Ou encore ‘et ton beau chum (ton petit copain), il ne sera pas très fier de toi si tu ne finis pas’. Alors non, tu ne lâcheras pas, ça prendra le temps que ça prendra mais tu ne lâcheras pas et tu repars en lançant un pouce en l'air à la Madame unique en son genre. Un signe de victoire et un cri ‘on se retrouve au prochain relais!!’ Et quand tu y arrives, au prochain relais, le sourire dans la face, tu lui dis 'coucou, je suis là!'. Et là, tu sens que tu fais plaisir à voir car la Madame hystérique se met à hurler de joie alors ça te redonne encore un ‘Go’ pour continuer de plus belle.

Et c'est comme ça que tu passes l'arrivée, fier ou fière de n'avoir pas craqué(e) même si la dernière journée a été une galère et que tes espoirs de battre le gars ou la fille de devant se sont volatilisés.

Le plus important dans tous les raids, que ce soit en France ou au Québec, c’est d’aller au fond de soi-même, de faire parler ses tripes, d’aller au bout de son rêve, de sauver sa fierté et surtout de ne pas avoir de regrets.

Philippe Souveton

Pour information, lors de ce 10ième Raid, Monsieur Pierre Harvey a fini 5ième au classement général (mais 1er de sa catégorie) en 11h53:11 suivi de Gilles Morneau en 11h55:29, un autre gars connu du Québec pour avoir remporté quelques belles courses dans le passé. La victoire a été remporté par Neil Grover en 11h37:28, suivi de Sébastien Delorme en 11h41:59 et Philippe Souveton en 11h44:12, un maudit français sur le podium (expression typiquement québécoise pour parler des français). Le quatrième est un certain Blair Saunders en 11h52:06 qu’il faut citer car on ne parle jamais des 4ième. Et bien sûr, je n’oublie pas les femmes dont la première, une américaine, championne sur route Miss Johanne Uhlmann en 13h58 :19, 111ième au général et une québécoise pure laine (pure beurre) Odette Lapierre en 14h25:34, 147ième au général. Bravo les filles!!!

Et moi dans tout cela ? Et bien, malgré mes péripéties, je suis fière de mon 4ième raid Pierre Harvey car je l’ai fini une fois de plus; et loin d’être dernière, je me suis classée 5ième de ma catégorie (Maîtres Femme Sport 30-39), soit 347ième au classement général. Ceci dit, je ne vous dévoilerais pas mon âge mais vous pourrez admirez la face (la tête) complètement à bout (complètement défaite) de la fille au bout de 300km; ça fait mal sur le coup mais ça fait du bien d’en parler !!!!

Texte : Corinne Bottollier

Photos : Philippe Andraud